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Construction controversée du train Maya traversant la forêt tropicale

Des organisations environnementales et un groupe de plongeurs professionnels ont réussi à arrêter la construction du tronçon 5 du train maya en raison d'irrégularités lors de son approbation, du manque d'information de la population et des forts impacts qu'un projet comme celui-ci pourrait avoir sur l'environnement et la biodiversité locale. De son côté, le gouvernement du président mexicain, López Obrador, campe sur ses positions et cherche à poursuivre les travaux dans les meilleurs délais.

Les travaux liés au train maya, encouragés par le président mexicain, Andrés Manuel López Obrador et réalisés par le Fonds National pour la Promotion du Tourisme (FONATUR), ont commencé depuis décembre 2018 et devraient se terminer en 2023. L'objectif est de pouvoir être opérationnel en 2024 avec environ 1 525 km de voies ferrées qui devraient traverser les États de Tabasco, Chiapas, Campeche, Yucatán et Quintana Roo, dans le sud-est du Mexique. Pour sa construction, le projet du train maya a été divisé en sept sections ou tronçons.

Comme l'indique le gouvernement mexicain, le train maya est un projet qui vise à renforcer l'ordre territorial de la région du sud-est du Mexique et à promouvoir son industrie touristique. Aleira Lara, directrice des campagnes de Greenpeace au Mexique, assure que l'intensification du développement touristique dans la région est assez préoccupante. "Nous avons déjà des cas tangibles, tels que Tulum ou Cancún, qui ont été développés avec des méga projets de 'tourisme prédateur'", a-t-elle déclaré, tout en ajoutant que l'un des principaux poumons du pays, la Selva Maya, va être en danger ainsi que la ressource en eau dans cette zone.

D'autre part, les promoteurs du projet assurent que le train réduira les temps et les coûts de transport des marchandises, des passagers et des touristes au sein de la péninsule et qu'en plus, il réactivera l'économie de la région. Depuis le début Greenpeace lance des messages d'alerte concernant la double utilisation du train, aussi bien en tant que transport de passagers mais aussi de cargaison, car cette région a déjà subi une forte pression environnementale par les industries touristiques et agricoles. "Le développement d'un train touristique et de cargaison va accentuer la pression environnementale dans la région", a-t-elle indiqué.

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Le Train Maya © Twitter: @TrenMayaMX

Le recours d'amparo demandé par des écologistes…

Le 26 avril 2022, Greenpeace et le Centre pour la Diversité Biologique ont présenté un recours d'amparo (demande de protection) contre la construction du tronçon 5 sud du train maya qui relie les villes paradisiaques de Playa del Carmen à la ville de Tulum et traverse une des forêts tropicales les plus riches en biodiversité du Mexique. Cette demande de protection tire la sonnette d'alarme sur les risques liés à la poursuite des travaux sur un total de 121 km, correspondant à l'habitat clé d'espèces menacées et où se trouvent de nombreuses grottes et coulées d'eau souterraines.

Le recours d'amparo conteste le fait que le gouvernement n'ait pas procédé à l'étude d'impact sur l'environnement avant d'approuver la cinquième section du train. "Le problème est que la construction a commencé sans même que FONATUR sache ce qu'il y avait dans la région. Alors qu'ils étaient en train de dévaster la forêt, des cénotes ou encore des grottes sous-marines ont été découverts", a déclaré Alejandro Olivera, membre du Centre pour la Diversité Biologique, une organisation nationale de conservation à but non lucratif dédiée à la protection des espèces menacées et des lieux sauvages.

Le gouvernement a réussi à démarrer les travaux de la section 5 sans l'évaluation de l'impact environnemental car, en novembre 2021, ce dernier a publié un décret présidentiel qui a exempté les exigences de permis pour plusieurs projets d'infrastructure prioritaires du gouvernement, en les classant comme sécurité nationale, y compris le train maya. D'après Aleira Lara, cela signifie que FONATUR, en tant que responsable des travaux, n'a pas été contraint de présenter l'étude d'impact sur l'environnement (Manifestación de Impacto Ambiental - MIA) grâce à une autorisation provisoire délivrée par le ministère de l'Environnement, pouvant ainsi commencer directement les travaux.

De plus, le recours d'amparo fait également référence à la violation de l'accord régional sur l'accès à l'information, la participation du public et la justice en matière d'environnement, connu sous le nom d'accord d'Escazú, qui reconnaît que la meilleure façon de résoudre les problèmes environnementaux est avec la participation de tout le monde. "Différentes communautés locales et communautés indigènes mayas ont élevé la voix pour avertir qu'une consultation libre, préalable et éclairée n'avait pas été menée. Ces voix n'ont pas été incluses dans les origines du train maya", a déclaré la directrice des campagnes de Greenpeace au Mexique.

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Le tracé du Train Maya à travers la forêt tropicale. ©Greenpeace México

D'autre part, le recours à l'amparo remet en cause la légalité des travaux puisque les plans initiaux du tracé du train ont été modifiés sans concertation ni préavis. Le train devra traverser des grottes sous-marines et des kilomètres de forêts vont être déboisés alors que ce n'était pas prévu. Ce fameux tronçon devait utiliser les voies ferrées déjà existantes mais, d'après Aleira Lara, l'opposition des complexes hôteliers a entraîné une modification du projet initial. "C'est pour cette raison que le tracé des voies ferrées s'est déplacé jusqu'à pénétrer dans la forêt tropicale", a-t-elle assuré.

Selon Alejandro Olivera, le projet de construction du tronçon 5 Sud du train maya aurait dû être un train surélevé et, finalement, il y a eu des changements et les voies ferrées ont été construites directement au sein de la forêt. "Je ne sais pas comment cette décision a été modifiée, mais si le permis provisoire qu'ils avaient était illégal, cela devient doublement illégal puisqu'ils n'ont même pas suivi ces règles à la lettre", a-t-il expliqué.

Enfin, le recours d'amparo met en garde contre les impacts sur l'environnement et la biodiversité, tels que l'affectation du système des rivières souterraines et des grottes inondées et semi-inondées. La directrice des campagnes de Greenpeace au Mexique tient à souligner que la péninsule du Yucatán est interconnectée de manière souterraine par l'aquifère, alors tout ce qu'il se passe dans cette région affecte également la mer des Caraïbes. De plus, elle assure qu'il y a un risque d'effondrement puisqu'il s'agit d'un relief karstique, d'un sol poreux, extrêmement vulnérable à la construction d'une structure telle qu'elle est prévue. "Il y a aussi une alerte très importante concernant les éventuels dégâts liés aux vestiges archéologiques de l'ensemble du tronçon", a-t-elle ajouté.

La construction de la section 5 du train maya représente également une perte d'habitat pour de nombreuses espèces en danger d'extinction -présentes dans le règlement 059, soit protégées par le gouvernement- car leurs sites d'approvisionnement et d'abri vont être touchés de plein fouet. "C'est un habitat pour le jaguar, l'ocelot, certains primates comme le singe hurleur, et il existe des espèces de poissons endémiques dans les systèmes aquatiques souterrains", a expliqué Alejandro Olivera.

… et FONATUR présente finalement l'étude d'impact sur l'environnement

Le 18 mai 2022, après la pression de diverses organisations environnementales, FONATUR a présenté la fameuse étude d'impact sur l'environnement (MIA en espagnol) pour la section 5 sud du train maya; un document mandaté par la Loi Générale sur l'Équilibre Écologique et la Protection de l'Environnement (LGEEPA). Dans ce rapport, plusieurs avertissements et préoccupations soulevés par les organisations locales, ont été reconnus, tels que:

  • l'affectation de 12 espèces de flore et 31 espèces de faune avec une catégorie de risque présente dans la Norme Officielle Mexicaine ;

  • lors de la préparation du site, le karst va subir un impact négatif sévère, générant des risques géologiques ;

  • l'impact sur les cénotes sera de modéré à défavorable ;

  • le sol, l'eau et les communautés autochtones subiront également des impacts négatifs modérés, parmi lesquels la modification de l'infiltration de l'eau due au changement du sol, l'érosion du sol et la modification des usages et coutumes des communautés autochtones ;

  • le paysage, la faune et la culture (sites archéologiques) vont présenter des impacts de valeur négative sévère ;

  • au cours de la phase de préparation du site, il y a eu un impact négatif critique sur la flore en raison de la déforestation de 485 476 hectares.

D'après Alejandro Olivera, le rapport reconnaît les impacts négatifs mais il pense que cette étude de l'impact sur l'environnement de la construction du tronçon 5 du train maya va tout de même être approuvée car l'Etat, lui-même, en fait partie. "C'est la SEMARNAT -Secrétariat de l'Environnement et des Ressources Naturelles- qui a effectué l'évaluation et c'est FONATUR qui a proposé le projet", a-t-il condamné.

Dans un communiqué, Greenpeace et le Centre pour la Diversité Biologique réaffirment l'irrégularité de l'étude puisqu'elle a été présentée en dehors des délais fixés par la loi. En revanche, ils assurent que l'article 28 de la LGEEPA - selon lequel avant de commencer le démantèlement ou toute activité de construction, l'étude de l'impact sur l'environnement doit être approuvée - n'a pas été respecté. Quant à l'article 93 de la Loi Générale d'Aménagement Forestier Durable (LGDFS), imposant la présentation d'une étude technique justificative du changement d'affectation des terres, celui-ci n'a pas non plus été respecté.

Selon ces organisations, plusieurs omissions et inexactitudes ont également été détectées dans des informations qu'elles jugent essentielles pour déterminer les impacts environnementaux qu'entraînera la construction de la section 5 du Train Maya ; tels que la superficie de végétation forestière ou le nombre total d'espèces de faune et flore enregistrées dans cette zone qui vont être affectées. C'est pour cette raison qu'ils exigent que l'autorisation demandée par FONATUR soit refusée et demandent d'autres alternatives de mobilité n'entraînant pas d'impacts négatifs sur l'environnement et les communautés.

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Le tracé du Train Maya à travers la forêt tropicale. ©Greenpeace México

Suspension définitive des travaux du tronçon 5

A la fin du mois de mai 2022, le Tribunal du Yucatán, représenté par le juge Adrián Fernando Novelo Pérez, a accordé la suspension définitive de la construction et du développement de la section 5 du train maya, donnant raison aux plaignants - les plongeurs professionnels de la région - qui ont fait appel face à l'absence de permis environnementaux de la part de FONATUR. Bien sûr, FONATUR peut encore faire appel de la décision du tribunal afin que les travaux se poursuivent.

Aleira Lara a alors indiqué qu'il s'agit d'une suspension ordonnée par un juge afin que, comme il existe des risques imminents dans la zone, le principe de précaution soit appliqué pour prendre d'autres décisions. "Nous devons faire un changement du point de vue des décideurs, il doit y avoir un changement de direction afin que les générations actuelles puissent profiter d'une vie saine, une bonne vie, et que les générations futures puissent profiter de la même chose que nous", a-t-elle exprimé.

Pour sa part, Alejandro Olivera s'est réjoui que, grâce au litige, il ait été possible d'arrêter la construction du tronçon 5 sud, précisément à cause de toute l'illégalité que celle-ci représentait. "Bien qu'il n'écoute pas la population et les différentes organisations, le président doit écouter la justice et ce que les juges dictent à travers les amparos", a-t-il conclu.

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