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"Dans un futur proche, je vois l'Amazonie désertique"

Domingo Suárez

Interview de Domingo Suárez, Président de FREDAPE (Front de Défense de l'Environnement de Perené). Le mouvement s'est organisé pour protéger le district de Perené des installations en nombre d'exploitations minières et de centrales hydroélectriques dans la région.

Le changement climatique est une problématique majeure à l'heure actuelle?    
Le changement climatique est un problème, non seulement pour les communautés natives, mais aussi pour les paysans qui vivent dans cette région. En effet, comme vous pouvez vous en rendre compte, la chaleur est insupportable. Si je ne me trompe pas, on dépasse les 39 ou 40 degrès. Pourquoi ? Car nous ne protégeons pas notre environnement comme il se doit. C'est le cas des exploitations minières ou encore des entreprises hydroélectriques installées dans le district de Perené. Le plus scandaleux pour nous, qui cherchons à protéger notre environnement, est la non-action des autorités.

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Les autorités ne remplissent-elles pas leurs fonctions en faveur de la protection de l'environnement? 
Les autorités ne font rien. Par exemple, l'année dernière, le 8 juillet 2018, la centrale hydroélectrique EGE Santa Ana a coupé le cours du fleuve pendant quatre heures provoquant la mort de milliers de poissons. Cependant, jusqu'à aujourd'hui, il n'y a aucun coupable et aucunes sanctions. 


A Chanchamayo, six centrales hydroélectriques ont déjà été installées. Pourtant, j'ai entendu dire que, pour l'ensemble de la province de Chanchamayo, une centrale est suffisante. Pourquoi construisent-ils autant ? Uniquement pour une raison commerciale, pour vendre l'énergie sans apporter aucun bénéfice au peuple de Santa Ana, aux communautés paysannes et aux institutions de Perené. Le comble dans tout cela est que nous payons le prix de l'énergie le plus élevé. Il y a une grande injustice à Chanchamayo:  nous sommes exonérés d'impôts mais ils nous font finalement payer ces impôts car la facture d'électricité est imprimée à Huancayo. Voilà la réalité de la Selva Central.

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Quelles sont les actions de FREDAPE? 
FREDAPE est le Front de Défense de l'Environnement de Perené. Nous nous sommes réunis avec un groupe de jeunes et nous avons organisé ce mouvement avec pour objectif premier de freiner les contaminations liées à la centrale hydroélectrique EGE Santa Ana mais aussi aux exploitations minières. A l'heure actuelle, une entreprise d'exploitation minière coréenne s'est installée à Puerto Unión sans se cacher des autorités. La route Marginal que nous pouvons voir est la route qui passe par Puerto Unión au kilomètre 36 approximativement. Des organismes -comme Sernarnp (Service National des Zones Protégées par l'Etat), ALA, ANA (Autorité National de l'Eau), Oefa (Organisation d'Evaluation et d'Inspection Environnementale)- existent. Beaucoup d'institutions étatiques veillent à la protection de l'environnement, mais cette entreprise reste intouchable... Du côté de l'entreprise, ils viennent travailler quand ils ont envie, sans tenue de sécurité. De plus, ils affirment que c'est une exploitation minière artisanale, mais ils font du minage (emploi d'explosifs) et ils utilisent des machines. Personne ne leur dit rien. Le peuple de Puerto Unión a déjà été réclamé ses droits auprès de beaucoup d'institutions, mais le 8 janvier dernier ils ont refusé de continuer ainsi car cela fait déjà un an. Comme ils n'ont reçu aucunes réponses de la part des autorités, ils ont été obligé d'expulser par la force l'exploitation minière de Puerto Unión.


Je le répète encore une fois, nous avons des autorités qui veillent à la protection de l'environnement à Chanchamayo, au Pérou, mais malheureusement ces autorités ne font rien pour contrôler tout cela.

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Domingo Suárez, Président de FREDAPE (Front de Défense de l'Environnement de Perené) - Villa Progreso, Perené, Amazonie du Pérou.

Avez-vous noté des changements au sein de l'environnement?
Oui bien sûr. Avant, ici, la température la plus haute avoisinait les 33, 34 ou encore 36 degrés, mais aujourd'hui on est à 39-40 degrés. La différence est visible. Moi qui suis né ici, je sens que la chaleur est très forte. Imaginez des personnes qui viennent d'ailleurs. Il y a eu un changement climatique très fort et la population s'en rend compte. Ici, tout le monde va vous dire que la chaleur est insupportable, qu'elle est plus forte qu'avant. 


De plus, les ruisseaux n'ont plus la même quantité d'eau. On peut s'en rendre compte en observant tout simplement. Auparavant, dans ce ruisseau, il y avait des crevettes en abondance, des crevettes natives (originaires de cette zone) et des crabes qu'on pouvait pêcher. Aujourd'hui, il n'y a plus de crevettes, il reste encore quelques crabes que j'essaie de protégerer. Le changement climatique est notoire pour tous. 

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Comment voyez-vous le futur de la Selva Central?
Si les lois ne changent pas, si les lois continuent de se maintenir ainsi en favorisant les entreprises étrangères, les entreprises qui veulent investir ici, dans un futur proche, j'imagine que tout ces paysages vont se transformer en un véritable désert. Je vois toute l'Amazonie contaminée. En effet, nous avons une zone riche en ressources pétrolières. Il y a 4 ou 5 ans, la population de Pichanaki s'est déjà soulevée pour expulser l'entreprise PlusPetro de ce marché. 


Selon la PlusPetro, à partir du Pont Raither, il existe des ressources pétrolières pour les 500 années à venir. Il y a déjà des entreprises qui ont commencé à explorer ce pétrole, ils installent leurs campements près d'Atalaya. C'est triste de voir que les autorités n'interviennent pas. Cette richesse que nous avons est appétissante pour toutes les entreprises étrangères. Si les autorités et les lois ne changent pas, Chanchamayo va prochainement se transformer en une terre totalement contaminée et appartenant à personne. 

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Quel est votre message pour les générations futures?
Aux jeunes du Pérou, je leur dis qu'il faut se préoccuper pour notre nature, pour notre environnement. Si nous continuons de vivre sous ces normes, ces lois qui  nous sont imposées, le Pérou va perdre cet environnement que nous avons la chance d'avoir actuellement. 


Le problème du changement climatique n'est pas uniquement au Pérou, mais c'est un problème au niveau mondial. Un jour, j'ai écouté le commetaire d'un savant français qui répondait à la question suivante: "Si la fin du monde est demain, quel pays voudrais tu sauver ?". Il a répondu qu'il sauverait le Pérou. Je pense qu'il ne se trompait pas, car au Pérou nous avons la chance d'avoir la côte, la montagne, la forêt amazonienne, nous avons de l'eau de source, des eaux propres. 


C'est pourquoi je voudrais dire à toute la population péruvienne de prendre conscience de notre environnement et de le conserver comme Dieu nous l'a donné. 

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